mercredi 2 mars 2011

La diplomatie française en crise (2).

On disait hier qu'Alain Juppé venait au secours du Ministère des affaires étrangères français, en pleine crise pour avoir soutenu démesurément les dictatures du Maghreb et du Machrek. Et que c'est Nicolas Sarkozy qui devrait porter le blâme d'une telle déroute diplomatique.

En fait, la complaisance et les relations privilégiées entretenues entre la France et ces «républiques» autoritaires du monde arabe ne datent pas d'hier. Mais Sarko est quand même le 1er Président français à rompre avec le Gaullisme en relations internationales, et ça, ce doit être souligné.

Charles de Gaulle a développé une politique internationale cohérente et responsable qui a été essentiellement suivie par les gouvernements successifs de la France, de gauche comme de droite, jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007.

De Gaulle s'est retiré du secteur militaire de l'OTAN en 1964 en faisant de la France une puissance nucléaire. Ceci lui donnait les moyens de ses ambitions, c-à-d décider par elle-même de ses objectifs et déployer sa force si nécessaire, n'étant plus sous la protection du «parapluie nucléaire» états-unien. Nicolas Sarkozy vient de réintégrer l'OTAN, avec tout ce que cela implique comme avantages et inconvénients pour la France étant donné le principe d'intérêts et d'assistance mutuels du traité.

De Gaulle a développé une politique extérieure qu'il qualifiait de «3e voie» : entre celle des USA et de l'URSS, tout en demeurant un fidèle allié de l'Occident et des USA en particulier. Ce principe s'est entre autres illustré lors de la Guerre des Six Jours entre Israël et ses voisins en 1967. De Gaulle condamne alors cette guerre déclenchée selon lui par Israël, sans pourtant empêcher une livraison d'arme à l'État hébreux. Il semble alors vouloir envoyer un message ambigü. Mais nous pouvons analyser cette politique de la façon suivante : de Gaulle considérait le droit à l'existence d'Israël comme non-négociable, mais les conquêtes territoriales de 1967 faisaient d'Israël le pays dominant selon lui, brisant l'équilibre nécessaire à la paix dans la région. De Gaulle a affirmé lors du déclenchement des hostilités en 1967 : Israël est notre ami, mais plus notre allié...

Ce positionnement stratégique a fait de la France un pays incontournable pour la stabilité régionale. Mitterrand a «sauvé» l'OLP et le Liban de la puissance du feu israélienne en 1982. La France est la principale responsable de la mission onusienne au sud-Liban et sans doute la seule puissance capable de servir de force d'interposition crédible entre Israël et le Liban. Ceci est un héritage gaulliste, entretenu par tous ses successeurs, jusqu'à Sarkozy...

En effet, ce dernier a orchestré un virage pro-israélien plus prononcé, en plus de permettre le développement et le renforcement des relations françaises avec les dictatures arabes. Sarkozy, avec son Union méditerranéenne, a fait d'Hosni Moubarak une figure centrale de son projet... Et ses ambassadeurs qui n'entretenaient pratiquement aucun lien avec les mouvements d'opposition démocratiques... Et ses ministres qui copins-copinent avec la clique au pouvoir dans tous ces régimes...

Décidément, Nicolas Sarkozy est une homme qui transforme la politique étrangère française, au mépris d'une tradition gaulliste futée et fort utile au maintient d'«une certaine idée de la France», comme disait de Gaulle...

1 commentaire:

  1. Écoutez René Lévesque dresser un portrait du Général de Gaulle en 1959 :
    http://archives.radio-canada.ca/politique/international/clips/13886/

    C'est lumineux !

    RépondreSupprimer