lundi 28 novembre 2011

Benkirane: 1er ministre du Maroc


Abdellilah Benkirane, Secrétaire-général du Parti Justice et développement (PJD), parti islamiste «modéré» du Maroc, sera sans doute appelé par le Roi Mohammed VI à diriger le prochain gouvernement du pays. En effet, l'une des modifications constitutionnelles adoptées par référendum le 1er juillet dernier dans la foulée de la pression de la «rue arabe» consiste à ce que le 1er ministre du pays sera dorénavant le chef du parti arrivé premier aux élections législatives...

Or, le PJD a obtenu le plus de suffrages vendredi dernier lors des élections anticipées, mais aussi le plus de sièges (ce qui n'avait pas été le cas en 2007). Le Roi offrira donc au chef du PJD, Benkirane, de former un gouvernement. Mais celui-ci devra chercher alliance avec d'autres partis pour former une majorité parlementaire puisque le PJD ne détient que 107 des 395 sièges... Benkirane a déjà mentionné son ouverture à l'égard des nationalistes du parti de l'Istiqlal - un parti historique lié à l'Indépendance du pays en 1956 - qui composaient déjà une bonne partie du gouvernement précédent.

Alors donc, que s'est-il passé? Le Maroc glisse-t-il vers l'islamisme? (*) D'abord, le PJD a mieux réussi à mobiliser son électorat, particulièrement les nouveaux arrivés des villes et une certaine élite intellectuelle en proie à une inquiétude lancinante, celle de l'occidentalisation menaçant l'identité même du pays... Il y a aussi le discrédit général envers la classe politique, considérée soit comme corrompue soit comme trop conciliante envers le Roi... Et puis, le mouvement du 20 février porté par la jeunesse marocaine a décidé de boycotter les élections, ce qui n'a pu que favoriser ceux qui y ont participé...

J'ai rencontré l'année dernière avec un groupe d'étudiants ce Benkirane. Il a un certain charisme, un peu pince sans rire. Son discours populiste facile en fait un personnage médiatique intéressant. Il a souvent condamné le Makhzen (le pouvoir de l'ombre ou l'élite du Palais...) et il se présente comme «islamiste modéré». Sa modération s'explique par le fait qu'il accepte de vivre sous l'autorité du Roi. C'est aussi pourquoi son parti a dû accepter (à contre-coeur) la réforme du code de la famille en 2004. S'opposer à cette réforme, c'était s'opposer au Roi... On voit donc que la marge de manœuvre d'un futur gouvernement du PJD demeure celle que lui permettra le Roi.

Chose certaine, Abdellilah Benkirane ne m'est pas apparu comme un homme d'une grande profondeur intellectuelle. J'ai pourtant côtoyé là-bas des intellectuels islamistes associés au PJD qui avaient une véritable pensée sur les rapports entre religion et politique... Ces intellectuels ressemblaient à plusieurs intellectuels conservateurs d'occident pour qui la culture des droits de l'homme, grande conquête de la modernité, ne doit pas pour autant se délester de la profondeur de l'expérience religieuse (**).

Issu de cette mouvance politique, Benkirane m'est au contraire apparu comme un politicien intuitif, superficiel et arrogant. À une question portant sur l'importance de l'éducation au Maroc, il a répondu par des anecdotes sur les riches berbères self-made-men du pays... Ses réponses à nos questions pourtant concrètes relevaient soit d'anecdotes, soit de slogans... Je suis sorti de cet entretien déçu de cette figure montante de la politique marocaine. (Et en plus, il a interrompu notre entretient à plusieurs reprises pour répondre à son foutu cellulaire!)

Alors M. Benkirane? Quels rapports croyez-vous qu'il faudrait favoriser entre le respect des droits individuels et le maintien de la tradition islamique pour le Maroc? Avez-vous des exemples concrets de ce dialogue qu'il faut établir entre «droit-de-l'hommisme» et islam?

Un personnage comme Benkirane peut-il réellement favoriser un rééquilibrage de la politique marocaine? Sur la question religieuse, son espace me semble très limité: le Roi demeure l'Autorité suprême. Le pouvoir du PJD repose plutôt sur le fait que c'est un parti qui n'est pas proche de l'élite économique et militaire, ni de celle du Palais. C'est déjà un changement significatif pour le Roi qui n'avait jamais vraiment concédé le pouvoir sans d'abord avoir récupéré ses anciens opposants...

Mais le chapitre sur les rapports de pouvoir entre un Parlement aujourd'hui dominé par les islamistes modérés et un «Roi moderniste» demeure à écrire ! Tout n'est pas joué...

p.s. un bogue m'empêche de vous fournir ce lien autrement :
** http://leblogueduvoisin.blogspot.com/2010/12/bientot-le-maroc.html

2 commentaires:

  1. Le taux de participation est gonflé , il n'y avait pas 45% , l'argent a été utilisé , j'ai vu des cas concrets , des "élus" achetés des voix ,entre 100 et 200 Dirhams.

    De mon point de vue , Benkirane au gouvernement ,c'est pour "anesthesier" le peuple marocain et apaiser la tension du mouvement de 20 Fevrier...il y a toujours un MAKHZEN tres present , avec les lobbys qui exploitent l'economie marocaine.

    Il y a des "lignes" rouges que le PJD doit franchir pour parler de changement , surtout en liberté de presse et la corruption au niveau macroéconomique.

    Faut aussi être conscient que les reformes constitutionnelles n'étaient en aucun cas , profondes , c'était du bricolage , l'entourage du ROI prend toujours les commande du politique et économique...

    Le pjd a raté une occasion en OR , en refusant de descendre dans la rue avec le mouvement du 20 fevrier , c'était un pacte sous la table avec le MAKHZEN ...et Benkirane est devenu plus royaliste que le Roi...

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  2. Il faut se méfier de ce Benkirane;ton article,hélas,me le confirme.
    Pascal

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